L’OuPeinPo

The cover of 'Oupeinpo: Du Potential Dans L’Art'

L'Ouvroir de peinture potentielle (Oupeinpo) fut créé en 1980. C'est un lieu où l'on œuvre sans produire d'œuvres, où l'on produit des outils. Et plus précisément : des méthodes, dispositifs, manipulations, structures qui, englobés sous l'appellation de contraintes oupeinpiennes, seront les "outils des outils" dans le matériel des artistes. Ainsi entendue, la contrainte n'est pas une restriction mais la condition nécessaire à l'existence d'un champ potentiel : prédéterminer la quantité de couleur autorisée, par exemple, ouvre le champ potentiel des œuvres à couleur mesurée comme le crayon fait accéder au registre illimité des œuvres au crayon.

L'oupeinpo a distingué fonctionnellement deux familles de contraintes : les obligations de moyens, contrainte de procédures, et les obligations de résultat, contraintes de formes.

Ainsi est contrainte de procédure l'obligation d'opérer au moyen de la manipulation de lamelles préalablement découpées, et contrainte de forme l'obligation quels que soient les moyens utilisés d'obtenir finalement un tableau offrant quatre lectures selon chacune des quatre rotations de 90° qu'on lui fait subir (cf. Jacques Carelman, “La Rose des têtes”).

Pour vérifier et valider ses contraintes l'oupeinpo réalise des non-œuvres. Il ne façonne pas d'autres choses que les éventuels dispositifs nécessaires à ses démonstrations, qu'il considère comme des épreuves de faisabilité. Si les membres de l'Ouvroir, artistes par ailleurs, font leur affaire d'en tirer bénéfice ou non dans leur art propre, il y a la même distance d'avec l'épreuve oupeinpienne qu’entre le dispositif mis en place pour obtenir un rayon-laser au laboratoire en 1960 et une tête de lecture d’aujourd’hui, et cette distance est celle qui sépare définitivement le registre du questionnement de celui des certitudes.

L'Oupeinpo, par vocation, ne se place pas au niveau des contenus du pein. Son domaine est celui des structures formelles qui pour lui sont activement formantes et le place au registre du questionnement et de l'incertitude comme un formalisme subversif. Comme Albert Einstein il conçoit des expériences imaginaires, pour pousser les équations (les contraintes) aux limites, aux frontières, au point de rupture. Torturer les limites, les frontières au moyen de la contrainte oupeinpienne non pas avec l'espoir d’y trouver de chimériques évasions, mais avec celui d’y ménager des replis, des vides, d’y insuffler des verrues, des excroissances de frontière, d’y pratiquer du jeu, des aires de triches, dans lesquelles s'immisceront des dimensions supplémentaires de cet univers-çi.

L'Oupeinpo, prenant le contrôle de ces infinies dimensions supplémentaires, ouvre par là même la voie à l'épiphanie de nouveaux contenus.